Journée Mondiale du Climat | « L’OSS, porteur de la voix de l’Afrique pour défendre l’adaptation comme une priorité »
Comlan Médard Ouinakonhan
Expert en Environnement et Changement Climatique,
Observatoire du Sahara et Sahel
Lors du premier Sommet africain sur le climat, tenu à Nairobi, du 4 au 6 septembre 2023, le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies, M. António Guterres, a noté qu'il était encore possible d'éviter les pires effets du changement climatique grâce à un bond en avant dans l'action climatique. Ainsi, il a appelé les dirigeants mondiaux à s'unir pour contrer les impacts du changement climatique qui pèsent lourdement sur le développement, en particulier sur le continent africain, où les capacités d'adaptation sont limitées. M. António Guterres a également indiqué qu’une injustice brûle au cœur de la crise climatique car l’Afrique ne représente que 4 % des émissions mondiales de Gaz à Effet de Serre, pourtant c’est le continent qui subit certains des pires effets de la hausse des températures mondiales : une chaleur extrême, de fortes inondations et des dizaines de milliers de morts à cause des sécheresses dévastatrices.
Malgré ce tableau sombre que présente l’Afrique en tant que continent qui subit le plus les affres du réchauffement climatique, les discours, les débats et les engagements politiques observés jusque-là sont très peu orientés sur l’adaptation qui devrait permettre de réduire sa vulnérabilité et renforcer sa résilience afin de garantir une trajectoire de développement durable. En effet, l’atténuation figure beaucoup plus à l’ordre du jour politique des réunions, rencontres et négociations internationales sur le changement climatique. Tous les accords multilatéraux relatifs au climat notamment la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), le Protocole de Kyoto (PK) et l’Accord de Paris (AP) ont beaucoup plus mis l’accent sur l’atténuation. Par exemple l’article 2 de la CCNUCC dit : « L’objectif ultime de la présente Convention et de tous instruments juridiques connexes que la Conférence des Parties pourrait adopter est de stabiliser, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Il conviendra d’atteindre ce niveau dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s’adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d’une manière durable ».
C’est dans ce contexte que l’Observatoire du Sahara et du Sahel célèbre la journée mondiale du climat, édition 2023 et s’associe à toutes les autres organisations, institutions et initiatives pour élever l'adaptation au changement climatique à l'ordre du jour politique, comme une priorité pour l’Afrique pour la prise de mesures conséquentes à court, moyen et long terme afin de préparer et soutenir les communautés, les villes et les écosystèmes pour répondre aux événements météorologiques extrêmes. Le 6ème rapport du GIEC souligne que le financement actuel de l'adaptation en Afrique est insuffisant pour répondre aux besoins croissants des pays africains. Il est estimé que le coût de l'adaptation passera d'environ 20 à 50 milliards de dollars par an pour un réchauffement de 1,5°C, à plus de 100 milliards de dollars par an pour un réchauffement de 4°C d'ici 2050. La problématique du financement de l'adaptation pour les pays africains se pose également en termes de manque de connaissances et d’insuffisance de données.
L’OSS saisit l’occasion de la Journée mondiale du climat pour saluer et reconnaître les efforts actuellement en cours au niveau des négociations internationales pour la prise en compte de la question de l’adaptation au changement climatique, notamment. L'OSS profite de la Journée mondiale du climat pour saluer et reconnaître les efforts et négociations internationaux en cours pour aborder la question de l'adaptation au changement climatique et y remédier, notamment:
- L’opérationnalisation du Programme de travail Glasgow-Charm el-Cheikh sur l’objectif mondial en matière d’adaptation (2022-2023) qui devrait être adopté à la COP28. L’OSS dispose d’assez d’expériences en matière de mise en œuvre de projets concrets d’adaptation sur le continent africain prenant en compte la gestion durable des écosystèmes, la gestion intégrée des ressources en eau, l’amélioration des conditions de vie des populations, etc. qui pourraient servir de modèles pour la mise en place et l’opérationnalisation du cadre pour l’objectif mondial en matière d’adaptation. Au titre de ces projets figurent : (i) EURECCCA : Renforcement de la résilience des communautés face au changement climatique grâce à une gestion intégrée de l'eau et des ressources connexes au niveau des bassins versants en Ouganda ; (ii) ADSWAC : Renforcement de la résilience au changement climatique des communautés du Sud-ouest de l’Afrique frappées par la sécheresse, couvrant l’Angola et la Namibie ; (iii) DRESSEA : Renforcement de la résilience à la sécheresse des petits exploitants agricoles et pasteurs de la région de l’IGAD, couvrant le Soudan, Djibouti, Kenya et Ouganda ; (iv) AdaptWAP : Intégration des mesures d’adaptation au changement climatique dans la gestion concertée du Complexe Transfrontalier W-Arly-Pendjari, couvrant le Bénin, le Burkina Faso et le Niger.
- La mise en place de modalités de financement permettant de faire face aux pertes et préjudices. Tout en saluant la décision historique de la communauté internationale de mettre en place un fonds spécial sur les pertes et préjudices, l’OSS propose que les Systèmes d'Alerte Précoce (SAP), la promotion des Activités Génératrices de Revenus (AGR) et les fonds renouvelables soient inclus parmi les outils techniques considérés dans ces modalités de financement. Il convient de souligner que l'OSS apporte son expertise à cet égard. En plus, dans le contexte de ce nouveau mécanisme financier international, l’OSS jouit d’une expérience solide pour avoir mis en place une politique spécifique concernant les déplacements involontaires et la réinstallation des populations. Cette politique vise à identifier, éviter et minimiser les éventuels préjudices pour les populations et l'environnement lors de la mise en œuvre de ses projets.
Dans le but de renforcer sa position sur la préoccupation de l’adaptation au changement climatique, la délégation de l’OSS à la COP28 de l’UNFCCC qui se déroule à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023, anime des événements parallèles portant sur : (i) la finance climat, porteuse de solutions, au service des terres et des écosystèmes en Afrique ; (ii) de l’approche projet à l’approche programme, quel plaidoyer pour les décideurs ? et (iii) de l’incubation au financement de l’adaptation : accélérer le développement des projets eau & climat.
A l’OSS, nous sommes convaincus que l'adaptation doit être au cœur des agendas politiques au même titre que l'atténuation. Plus il y aura d'efforts d'atténuation, moins il sera nécessaire de faire des efforts d’adaptation. Mais au vu des tendances actuelles, il est crucial de renforcer d’urgence les mesures d’adaptation en Afrique.