Journée mondiale des sols – 5 décembre 2024 - « Les données, un levier inéluctable au service de la résilience des sols africains »
M. Anis GHATTASSI
Responsable de Gestion de Projets,
Observatoire du Sahara et du Sahel
Souvent relégués au second plan, les sols forment pourtant le socle fondamental de tout ce qui naît, se développe et prospère sur Terre. En dépit de leur rôle vital dans la garantie de la sécurité alimentaire, en soutenant la biodiversité et en luttant contre le changement climatique, ils continuent malheureusement de subir une pression sans précédent.
Dégradation, érosion, pollution et perte de fertilité : ces phénomènes compromettent directement les moyens de subsistance de millions de personnes à travers le continent africain. Célébrée le 5 décembre, sous le thème « Prendre soin des sols : mesurer, surveiller, gérer », la Journée mondiale des sols met en lumière, cette année, l’importance cruciale des données pédologiques dans la compréhension du sol car « pour protéger ce trésor fragile, nous devons d’abord mieux le comprendre ».
L’Afrique est un continent où les sols dictent le rythme de vie de nombreuses populations. Cependant, la dégradation des terres est un problème omniprésent. Selon les estimations de la Convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la Désertification (CNULCD), près de 65 % des terres agricoles africaines souffrent d’une forme ou d’une autre de dégradation. Aggravés par les impacts du changement climatique, la salinisation, l’érosion, l’épuisement des nutriments et les pratiques agricoles inappropriées causent des dommages considérables, voire même parfois irréversibles. Face à cette crise, la collecte et l’utilisation de données sur les sols se révèlent comme une solution efficace et durable. Grâce aux technologies modernes telles que la télédétection, le GeoAI, les systèmes d’information géographique et les bases de données numériques, il est désormais possible de surveiller l’état des sols en temps réel, de localiser les zones à risque et de concevoir des stratégies ciblées pour leur réhabilitation.
A l’échelle du continent, des efforts considérables sont déployés pour améliorer la santé des sols. Une initiative phare en la matière est la Soil Initiative for Africa, lancée par l’Union Africaine et qui vise à restaurer les sols dégradés et à améliorer leur productivité en introduisant des technologies adaptées aux contextes locaux. Privilégier des solutions locales, telles que l’utilisation d’engrais équilibrés et l’adoption de techniques agricoles durables, permet de maintenir la fertilité des sols tout en réduisant leur exposition à la dégradation. Le succès de ce programme repose également sur une collaboration régionale renforcée, où l’échange de données et la concertation entre les pays permettent la mise en œuvre de politiques de gestion des terres plus cohérentes, efficaces et durables. Malgré tous les efforts consentis, de nombreux défis subsistent. Collecter des données sur les sols nécessite des infrastructures modernes, des équipements de pointe et des ressources humaines qualifiées, autant d’éléments qui manquent encore dans de nombreuses régions africaines. Même lorsque ces données existent, elles sont souvent dispersées, disparates et difficiles d’accès, ce qui limite considérablement leur portée et leur impact.
Cela dit, ces défis ne doivent pas occulter les opportunités qu’offrent les données sur les sols en investissant dans les infrastructures nécessaires, en renforçant les capacités des décideurs et des techniciens et en sensibilisant les communautés locales.
Des plateformes régionales telles que MISLAND Africa, développée par l’OSS, utilisent un système intégré de surveillance de la dégradation des terres reposant sur l’analyse de multiples indicateurs, notamment la vulnérabilité des terres à la désertification. Elles fournissent une base solide pour un partage harmonisé des données et favorisent une coopération accrue entre les pays.
De même, la sensibilisation des populations, notamment les agriculteurs, à l’importance des connaissances sur les sols, peut contribuer à transformer les pratiques à long terme et garantir un impact durable.
Protéger la terre sous nos pieds, c’est assurer notre avenir car en fin de compte, chaque grain de sable, chaque parcelle de sol, chaque initiative prise aujourd’hui, façonnera le monde que nous transmettrons aux générations futures.