Relancer l’ambition régionale pour la résilience climatique : le séminaire DRESSEA de Tunis, un tournant stratégique pour l’action

Du 14 au 19 avril 2025, Tunis a accueilli le séminaire technique régional du projet DRESSEA – « Renforcement de la résilience à la sécheresse des petits agriculteurs et des pasteurs dans la région de l’IGAD ». Cet événement a réuni les points focaux nationaux, l’Entité régionale de mise en œuvre du Fonds d’adaptation – l’Observatoire du Sahara et du Sahel, l’Entité régionale d’exécution – Global Water Partnership Organization (GWPO), ainsi que les experts régionaux du Centre international de recherche agricole dans les zones arides (ICARDA). Ce rassemblement de haut niveau a marqué un tournant pour le projet, avec un bilan après quatre années de mise en œuvre, et a permis de relancer la dynamique après les retards causés par la pandémie de COVID-19, les défis sécuritaires au Soudan et les blocages dans l’exécution au niveau national.

Dans son discours d’ouverture, M. Nabil Ben Khatra, Secrétaire exécutif de l’OSS, a réaffirmé le rôle central des communautés locales dans l’atteinte de la résilience climatique. Il a souligné que ce séminaire constitue une plateforme d’innovation, de collaboration et d’action collective, qu’il s’agisse de renforcer les systèmes d’alerte précoce, de diffuser les pratiques agricoles résilientes ou de promouvoir un développement économique inclusif. Mme Khaoula Jaoui, Directrice du département Climat, a salué l’engagement des équipes nationales et l’importance d’élaborer une feuille de route à la fois ambitieuse et réaliste, en phase avec les réalités du terrain.

Pendant cinq jours, le séminaire, conduit par M. Steve Muhanji, chef de division, et M. Robert Onyango, chef de projet, a favorisé des échanges riches sur le renforcement des capacités d’adaptation des petits agriculteurs et des pasteurs à Djibouti, au Kenya, au Soudan et en Ouganda. L’un des axes majeurs fut la mise en place d’un système régional d’alerte précoce inclusif et opérationnel, capable de déclencher des réponses locales rapides face à la sécheresse et à d’autres aléas climatiques. L’OSS a présenté un prototype de système multi-risques intégré développé dans le cadre du projet AdaptWAP – couvrant les sécheresses, inondations, incendies de forêt et même les conflits homme-faune – tandis que GWPO a insisté sur la nécessité d’une coordination régionale renforcée et d’un ancrage communautaire des mécanismes d’alerte et de gestion des ressources en eau.

Les sessions techniques ont exploré des stratégies de gestion des terres et de l’eau résilientes au climat, combinant savoirs locaux et approches scientifiques. ICARDA a démontré des techniques telles que les demi-lunes, les bassins de rétention ou le paillage, permettant de conserver l’humidité du sol et de maintenir la productivité agricole malgré les périodes de sécheresse prolongée. Ces approches ont été enrichies par des échanges sur l’agriculture régénérative, les variétés tolérantes à la sécheresse et l’agroforesterie durable, culminant avec la présentation de l’approche ICARDA « Meilleur rendement, plus de profit », qui vise à améliorer les revenus des agriculteurs tout en assurant la durabilité écologique.

L’adaptation des systèmes pastoraux a également été au cœur des discussions. Celles-ci ont mis en lumière l’importance des races locales résilientes, de la gestion durable des parcours et des espèces fourragères adaptées. Djibouti a présenté son expérience en conservation de la génétique du bétail local, tandis que le Kenya a partagé le modèle de la Kalama Conservancy, qui relie restauration des parcours, autonomisation des femmes et diversification économique par l’écotourisme.

Le séminaire a également abordé le volet autonomisation économique du projet, avec un accent particulier sur les activités génératrices de revenus pour les femmes et les jeunes. Des mécanismes tels que les microcrédits adaptés, les coopératives rurales ou encore le crédit vert promu par l’OSS ont illustré comment l’inclusion financière peut soutenir à la fois l’émancipation économique et la transition écologique. Les participants ont souligné l’importance de systèmes de suivi solides, du développement des chaînes de valeur et de partenariats renforcés avec les institutions de microfinance pour assurer la pérennité et l’impact des actions.

Parallèlement, GWPO a présenté une stratégie de communication et de visibilité visant à amplifier la portée du projet, valoriser les bonnes pratiques et faciliter le partage de connaissances entre pays et communautés.

Un moment fort du séminaire a été la visite de terrain sur un site pilote de restauration sylvopastorale en zone aride en Tunisie. Les participants ont pu constater l’impact positif de l’introduction d’espèces fourragères adaptées au climat, comme le Sulla (Hedysarum coronarium), capable de régénérer les parcours dégradés, améliorer la fertilité des sols et fournir une alimentation de qualité pour le bétail. L’initiative s’est aussi distinguée par l’implication forte des communautés, notamment des femmes rurales engagées dans les travaux de semis et la valorisation des produits pastoraux.Cette visite a offert une illustration concrète des objectifs du projet : intégrer les solutions fondées sur la nature, l’inclusion communautaire et l’innovation locale pour faire face à la sécheresse et à la dégradation des terres.

En définitive, le séminaire a constitué un moment clé de réflexion stratégique, d’alignement opérationnel et de réengagement collectif. Il a renforcé la cohésion régionale, dynamisé les synergies techniques et institutionnelles et réaffirmé l’ambition partagée de construire une résilience durable à la sécheresse dans la Corne de l’Afrique.