Lilia BENZID
Experte, Chargée de Communication,
Observatoire du Sahara et du Sahel
Femme politique et militante malienne, Aoua Keïta***, est à l’origine de la journée internationale de la femme africaine, promulguée par l'ONU et l'OUA le 31 juillet 1962, avant d’être officiellement consacrée le 31 juillet 1974, lors du premier Congrès de l’Organisation Panafricaine des Femmes qui s'était tenu au Sénégal.
Cette journée a sensiblement contribué à l’amélioration des droits des femmes en Afrique. Plusieurs Etats se sont ainsi accordé les moyens de permettre aux femmes de construire leur propre émancipation et de parfaire leurs conditions de vie en unissant leurs forces.
La journée internationale de la femme africaine est un rendez-vous mondial annuel qui permet de faire le point sur l’évolution des droits des femmes et de l’égalité des genres. Elle représente une occasion pour identifier de nouvelles perspectives, informer, sensibiliser et faire un plaidoyer pour le renforcement des mesures prises par les gouvernements en faveur de l’autonomisation des femmes.
Il est important de rappeler que, traditionnellement, la femme africaine joue un rôle de premier plan, au niveau communautaire, pour combattre les chocs dans les situations de crise et d’urgence telles que les inondations, les sécheresses, les épidémies ou les guerres.
De plus, elle contribue fortement à l'économie du continent. Agricultrice ou cheffe d'entreprise, elle est l’une des plus actives économiquement, à l’échelle mondiale. C’est, en effet, elle qui produit la majeure partie de la nourriture en Afrique, qui assure 40% des travaux agricoles et qui possède le tiers des entreprises.
De nombreux progrès ont été réalisés récemment en matière d'émancipation des femmes en Afrique, notamment la promulgation de lois en faveur de l'égalité des droits. De nombreux pays africains ont, d’ailleurs, comblé l'écart entre les sexes dans l'enseignement primaire. Grâce au système des quotas, la femme représente 22,3% des parlementaires en 2015 en Afrique sub-saharienne (contre 8% en 1995) et se positionne donc dans la moyenne mondiale (22,1% en 2015) .
Cependant, les femmes africaines font toujours face à de nombreux défis au sein de leurs sociétés. Qu’elles soient entrepreneuses, dirigeantes dans la vie publique ou membres de conseils d’administration, plusieurs contraintes les empêchent de faire valoir leurs potentiels. Dans le monde rural, du temps et de l’énergie sont énormément dépensés dans la recherche de l’eau et du bois, par exemple. Fortement impactées par la diminution des ressources naturelles, et de plus en plus vulnérabilisées par les conséquences significatives du changement climatique, elles sont donc redevables de faire preuve de plus d’adaptabilité.
C’est dans ce contexte que l’OSS a très tôt pris conscience du rôle primordial de la femme pour le développement du continent et intégré la dimension genre dans ses stratégies, programmes et projets. Dans ce cadre, l’OSS s’est doté d’une politique genre depuis 2016, qu’il répercute sur ses activités et au sein de ses équipes.
Grâce aux efforts déployés par les pays membres et partenaires et avec l’appui technique de l’OSS et financier des fonds climat, des mesures concrètes d’adaptation au changement climatique ont été intégrées dans les projets et programmes de développement en Afrique. Dans ce cadre, une place privilégiée est consacrée à la gent féminine qui voit, par conséquent, sa résilience nettement améliorée et ses capacités d'adaptation renforcées.
A titre d’exemple, le projet AdaptWAP a mis à la disposition de groupes de femmes de la périphérie du parc régional du W (partagé par les trois pays de sa zone d’intervention : Bénin, Burkina Faso et Niger), du matériel de conservation et de transformation des produits piscicoles. Ce projet fait, aussi, bénéficier ces femmes d’une série de formations organisées sur les techniques de pêche et de pisciculture et sur l’utilisation de nouveaux outils produits par la population. Des revenus supplémentaires sont ainsi générés, et une autonomie financière est assurée en conséquence.
Par ailleurs, en Ouganda, divers groupes de femmes vivant au niveau de 3 bassins versants (Aswa, Awoja et Maziba) ont vu leurs capacités renforcées par la construction de fours améliorés (9 735 foyers). Cette initiative a pour retentissement incontestable l’optimisation des conditions et qualité de vie. Elle permet, effectivement, de réduire le temps consacré à la cuisson et à la recherche du bois de feu et à diminuer la pollution, les maladies, etc.
En outre, l’engagement de l’OSS pour la parité homme-femme se traduit par l’intégration d’un quota réservé aux femmes dans les programmes de formation qu’il met en œuvre avec ses partenaires, dans différents domaines de compétence comme la télédétection, la comptabilité écosystémique, le suivi – évaluation, etc. En aspirant à leur offrir des opportunités équitables, l’OSS et ses partenaires contribuent à l’épanouissement de la femme africaine afin qu’elle puisse jouer sa partition dans l’œuvre de développement du continent.
A l’OSS, nous sommes convaincus que l'élaboration de politiques avantageant le genre, conduira à une croissance plus inclusive, reconnaissant le rôle fondamental des femmes en tant que productrices, agents économiques et leaders dans la vie publique.
***Aoua Keïta (1912-1980) est une militante et femme politique malienne. Elle fut une figure de l'indépendantisme, du syndicalisme et du féminisme au Mali.
Elle a joué un rôle politique de premier plan et a été la seule femme à prendre part, en 1962, à l'élaboration du Code malien du mariage et de la tutelle qui fut une grande avancée pour les droits de la femme au Mali.
Elle est à l'origine de la Journée internationale de la femme africaine (JIFA), promulguée par l'ONU et l'OUA le 31 juillet 1962 et a contribué au renforcement des liens entre les militantes africaines et les organisations internationales.
Elle a fait l’objet de nombreuses distinctions et reconnaissances nationales et internationales.
Un prix Aoua Keïta a été créé en 1991 et remis chaque année dans le cadre de la Journée panafricaine de la femme pour récompenser « l'effort, le dévouement, et le courage des femmes et des hommes » pour la « promotion et la défense des droits de la femme ».
Une salle de conférence a été baptisée "salle Aoua Keïta" au sein de l'Assemblée nationale malienne et son portrait orne la vaste fresque murale située sur les hauteurs de Koulouba, la « colline du pouvoir » à Bamako, qui retrace cent cinquante ans d'histoire malienne.