Journée mondiale des espèces menacées, 11 mai 2023 | Paroles d’espèces menacées africaines
Malak Chalbi
Ingénieur Ecologue, spécialisée en gestion de la faune sauvage
Observatoire du Sahara et du Sahel
La nature, faune et flore confondues, ne peut exprimer sa détresse ni nous alerter sur sa souffrance. Incapable de manifester et de dénoncer, elle subit en silence. A travers ces quelques lignes, nous cherchons à personnifier les espèces menacées pour leur prêter une voix et imaginer leurs cris étouffés.
L’idée est de mettre en avant l’importance de la protection des espèces en danger et de sensibiliser l’opinion publique sur leur état fragile, et ce en sélectionnant un échantillon d’espèces natives grandement menacées d’extinction en Afrique, tout en se basant sur la Liste Rouge des espèces menacées de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), référence et indicateur par excellence qui permet de suivre régulièrement l’état et l'évolution de la biodiversité sur la Terre.
Rhinocéros noir : « Je me présente, je suis le rhinocéros noir et les scientifiques m’ont même affublé d’un nom savant : Diceros bicornis. Vous avez surement entendu parler de moi car je suis célèbre, je fais partie du groupe des « Big Five » mais cela m’a, entre autres, porté préjudice. En effet, je suis classé En danger critique (CR) dans la liste rouge de l’UICN. Je réside actuellement en Afrique australe et de l’Est, mais ma sous-espèce d’Afrique de l’Ouest n’est plus. Nous ne sommes plus que 3 142 individus matures. Pourquoi, diriez-vous ? Vous devriez le savoir pourtant. C’est principalement à cause du braconnage incessant pour nos cornes mais aussi en raison du défrichement de notre habitat pour l’agriculture. ».
Faux-gavial d'Afrique : « Je suis un crocodile nommé Mecistops cataphractus. On me retrouve en Afrique de l’Ouest mais ma présence est incertaine dans plusieurs pays et je suis officiellement déclaré comme éteint au Tchad. Également classé CR, les pressions que je subis ne se comptent pas sur les griffes d’une patte. Entre chasse commerciale pour la peau et la viande, pêche de subsistance de mes proies, développement résidentiel et commercial, agriculture et aquaculture, production d'énergie et exploitation minière, construction de barrages, pollution et impacts du changement climatique, on ne sait plus où donner de la tête. Ce qui est sûr, c’est que mes larmes ne sont pas des larmes de crocodile… ».
Cèdre de l'Atlas : « Cedrus atlantica, Arbre majestueux. Je suis effectivement originaire de l'Atlas, massif montagneux d'Afrique du Nord. Dans mon aire naturelle, je suis répertorié comme En danger (EN) par l'UICN. Notre population est fortement fragmentée et son déclin est continu. Il s’avère que nos forêts sont depuis très longtemps exploitées pour le bois. Mis à part l’abattage clandestin, les causes de notre destruction comprennent notamment le surpâturage et les brûlis répétés. Dans les zones les plus proches du désert saharien, les sècheresses font des ravages. Je ne comprends pas tout cet acharnement, moi qui pensais être privilégié et considéré comme un précieux patrimoine végétal… ».
« Au nom de toutes les espèces menacées et en voie de disparition, nous appelons, tous les trois, à une attention coordonnée de la part de l’espèce humaine Homo sapiens, partageant cette Terre commune. ».
Il n’est un secret pour personne que les extinctions et les disparitions des espèces faunistiques et floristiques modifieront irréversiblement les chaînes alimentaires et les trajectoires écologiques et qu’elles perturberont, à coup sûr, le rôle fondamental de la biodiversité dans l’équilibre écologique de notre planète.
A tous les Homo sapiens, avec une 6ème extinction de masse de la biodiversité sur Terre qui se profile sournoisement, il s’avère capital de réaliser une rétrospective de la situation pour mieux nourrir la réflexion prospective et ainsi prioriser la prise des mesures de conservation à toutes les échelles.
Pour que leur appel ne soit plus mis en sourdine…