Journée internationale des réserves de biosphère - 3 novembre 2024, Ce que réservent les réserves de biosphère...

Mme Malak CHALBI

Mme Malak Chalbi
Spécialiste en gestion des écosystèmes et de la faune sauvage
Observatoire du Sahara et du Sahel

Nous partageons, aux côtés d’autres êtres vivants, une planète parmi une infinité de corps célestes au sein de l’univers, voire du multivers. L’Homme, un « grand singe » plus évolué que ses cousins hominoïdes, a souvent tendance à penser que cette planète lui appartient. Un peu égocentrique, étant donné qu’il n’est qu’une infime entité dans une matrice si vaste…

Toutes les autres espèces vivantes coexistent en harmonie et maintiennent naturellement un équilibre entre elles. Pourquoi pas avec une de plus ? Notre rapport à la nature doit être repensé pour trouver cet équilibre et assurer un véritable partage.

Point positif, certains Hommes cherchent à couper la poire en deux et à atténuer les préjudices causés à l’environnement et à la biodiversité qui nous entourent. Parmi plusieurs actions, émerge le concept de réserves de biosphère qui sont aujourd’hui à l’honneur pour nous rappeler qu’il est parfois nécessaire de descendre de son piédestal. Parlons-en…

Réserve de biosphère… Qu’est-ce que ça veut dire au juste ?
Quelle est cette désignation qu’on entend souvent ? on ne fait pas toujours attention mais, ce n’est pas qu’un simple « titre ». 

Les civilisations sont intégrées aux écosystèmes depuis des lustres. De nos jours, même s’il montre une facette parfois plus destructrice, l’Homme, joue un rôle essentiel dans la protection de la nature. Nous avons pu le constater, par exemple, pendant la crise du Covid-19 qui a été certes un répit pour la nature en raison de la cessation des activités humaines mais qui a également été un désastre pour la faune sauvage en raison de l'augmentation du braconnage liée essentiellement, dans certains endroits, à l'absence des autorités, des conservateurs et des populations locales sur le terrain. Il est donc nécessaire de trouver un compromis, un équilibre. Ce compromis est visible notamment dans les réserves de biosphère…

Pour mettre l’accent sur cette relation indissociable entre Homme et nature, en 1971, l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture (UNESCO) crée le Programme sur l’Homme et la Biosphère (MAB). Les réserves de biosphère sont des territoires établis par les pays et reconnus dans le cadre du Programme MAB pour promouvoir le développement durable en s’appuyant sur les efforts des communautés locales et sur une base scientifique solide et pour étudier les interactions entre systèmes sociaux et écologiques, en vue d’allier à la fois bien-être humain et gestion durable des ressources naturelles. Pour faire simple, ces zones sont des modèles d’une vie harmonieuse entre les humains et la nature qui montrent des solutions locales comme l’agroécologie, les énergies renouvelables, l’éco-tourisme, etc.

Trois principales fonctions intégrées sont de mise : Conservation de la diversité biologique et culturelle, Développement socio-économique durable et Soutien logistique pour le développement par la recherche, le suivi, l'éducation et la formation… Des fonctions qu’on retrouve géographiquement à travers les zones principales d’une réserve de biosphère à savoir, la zone centrale strictement protégée, la zone tampon et la zone de transition. Si vous vous demandez comment un site peut intégrer le Programme MAB, il doit répondre à ces trois fonctions. D’autres critères intervenant dans la décision de l’UNESCO incluent le soutien et la compréhension des communautés locales et des acteurs clés concernant le concept, en ayant conscience de ses bénéfices pour eux et pour l'environnement. D’autre part, la zone centrale doit avoir une importance notable pour la biodiversité et être représentative de sa région biogéographique.

Comment ça se passe en Afrique ? 
D’après la carte mondiale des réserves de biosphère de l’UNESCO (https://www.unesco.org/en/mab/map?hub=66369), il existe 759 sites désignés réserves de biosphère. En Afrique, on en trouve 118, réparties dans 41 pays.

Le contexte africain du MAB présente certaines spécificités comme l’isolement (distance, communication, transport) des réserves de biosphère, le manque de financement, de ressources humaines qualifiées et de support technologique pour la conservation et le suivi et une faible mise en œuvre des politiques de conservation. 

Depuis 1996, un réseau africain de réserves de biosphère appelé AfriMAB a pour but de favoriser la coopération régionale dans la conservation de la biodiversité et le développement durable grâce à des projets transfrontaliers basés dans les réserves de biosphère. Parmi ses initiatives, on retrouve le zonage et l’amélioration du fonctionnement des réserves de biosphère, l’implication des communautés locales, le partage des revenus, etc.

Dans tous les cas, qu’ils soient terrestres, marins ou côtiers, ces lieux d’apprentissage du développement durable contribuent à tester des approches interdisciplinaires afin de mieux gérer les problématiques récurrentes, y compris la prévention des conflits et la gestion de la biodiversité. 

Regard sur le Complexe W-Arly-Pendjari (WAP) (Bénin, Burkina-Faso, Niger) : la réserve de biosphère transfrontière où la nature unit les pays 

Plusieurs sites rejoignent chaque année le Réseau mondial des réserves de biosphère de l’UNESCO qui représente toutes les régions biogéographiques du monde. En 2020, la zone du complexe WAP est désignée réserve de biosphère transfrontière, issue de la fusion des réserves de biosphère nationales, dans l’espoir d’harmoniser les outils de gestion. Elle est le foyer d’espèces vulnérables et en danger comme le guépard, l’éléphant, le lion, le léopard et le vautour. C’est un lieu de vie également pour environ 4 millions d’humains répartis dans les trois pays, notamment des Gourmantchés et des Peuls. Ces groupes culturels conservent des rituels traditionnels pour assurer le succès de leurs récoltes et la pérennité de leur élevage, qui sont leurs principales sources de revenu. Ils prospèrent grâce aux services écosystémiques fournis par la réserve, qui, en eux-mêmes, sont d'une grande valeur pour la gestion de la réserve.  Cette zone représente même une barrière contre l’avancée de la désertification.

Malgré les défis qu‘elle endure en ce moment à cause des pressions anthropiques et de la criminalité, cette zone reste un territoire significatif pour la conservation des éléphants et le dernier bastion de conservation des lions dans toute la sous-région d’Afrique de l’Ouest. La position privilégiée du WAP offre une protection naturelle aux espèces endémiques d’eau douce de ses bassins. De par son étendue et la diversité de ses paysages, le complexe WAP est un refuge considérable pour la conservation de la biodiversité et le plus important héritage naturel et culturel d’Afrique soudano-sahélienne.

P.-S. Intéressés de désigner une nouvelle réserve de biosphère ? Consultez le lien ci-dessous : 

Les États membres peuvent soumettre des sites en suivant le processus de désignation. Les candidatures de réserves de biosphère sont présentées par les gouvernements nationaux concernés. Les réserves de biosphère demeurent sous la juridiction souveraine des États où elles se trouvent. 
https://www.unesco.org/en/mab/wnbr/designation?hub=66369

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